Au lendemain de l’élection présidentielle de mars 2010, un vent de désillusion souffle sur l’opposition togolaise. Faure Gnassingbé est déclaré vainqueur face à Jean-Pierre Fabre dans un scrutin que beaucoup qualifient de verrouillé d’avance. Les résultats annoncés sont contestés, et le climat post-électoral est tendu. L’Union des Forces de Changement (UFC), principal parti d’opposition jusque-là, vacille. Un tournant historique s’opère : Jean-Pierre Fabre et plusieurs cadres claquent la porte et créent l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC), scellant ainsi une nouvelle étape dans la recomposition du paysage politique.
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L’ANC et le FRAC : la rue comme nouveau parlement
L’ANC ne vient pas seule. Dès sa création, elle fédère les mécontentements au sein d’une coalition plus large : le FRAC (Front Républicain pour l’Alternance et le Changement). Ensemble, ils vont faire descendre des milliers de Togolais dans les rues, chaque samedi, pour dénoncer le « hold-up électoral » de 2010 et réclamer la transparence électorale, la fin de l’impunité et l’ouverture d’un dialogue politique sincère.
Les places publiques deviennent le théâtre d’un bras de fer entre les forces de l’ordre et les manifestants. Lomé, assiégée chaque week-end, vibre au rythme des mots d’ordre de l’opposition. Jean-Pierre Fabre, figure montante de cette nouvelle génération d’opposants, incarne alors un espoir de rupture avec le système ancien. Le pouvoir, de son côté, reste inflexible. Les manifestations sont régulièrement dispersées, parfois dans la violence.
Du FRAC au CST : une coalition plus large pour un même combat
En 2012, les frustrations s’amplifient. La dynamique du FRAC se mue en un nouveau front plus large : le Collectif Sauvons le Togo (CST). Cette coalition regroupe partis politiques, syndicats, ONG, figures de la société civile et leaders religieux. Le CST redonne un souffle aux mobilisations et impose une lecture transversale de la crise : celle d’un pays en panne de démocratie, miné par la corruption, la pauvreté et les violations des droits humains.
Le mot d’ordre reste le même : obtenir des réformes électorales crédibles avant les législatives à venir. Mais le gouvernement, jouant sur l’essoufflement du mouvement et les divisions internes, temporise et manœuvre.
Législatives de 2013 : entre boycott, participation et désillusion
En juillet 2013, malgré un climat toujours sous tension, les législatives sont organisées. L’ANC, membre du CST, décide finalement de participer au scrutin, espérant briser le verrouillage institutionnel. Mais les résultats sont une douche froide : l’UNIR (parti au pouvoir) conserve une large majorité parlementaire. Le rêve d’un contre-pouvoir structuré à l’Assemblée nationale s’éloigne.
La participation électorale est faible, reflet d’une démobilisation progressive d’une partie de la population, lassée par des années de combats sans victoire tangible. Le pouvoir, de son côté, en sort renforcé, avec une opposition parlementaire morcelée et un terrain politique maîtrisé.
Une page tournée, mais pas refermée
La période 2010-2013 reste un moment crucial dans l’histoire politique du Togo. Elle marque l’entrée dans une nouvelle phase de contestation, plus structurée mais aussi plus fragmentée. La création de l’ANC, la montée en puissance de Jean-Pierre Fabre, les manifestations hebdomadaires du FRAC, puis du CST, traduisent une volonté citoyenne de rupture avec le système hérité d’Eyadéma. Mais face à un régime solidement ancré, les failles stratégiques de l’opposition et le poids de la répression ont fini par neutraliser les élans.
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