Le 16 avril 2025, le ministère togolais de l’Économie et des Finances a rendu public le rapport analytique sur la dette publique au 31 décembre 2024. Ce document officiel, censé dresser un état des lieux précis de la situation financière du pays, se veut rassurant. Il met en avant un niveau d’endettement contenu, le respect des normes régionales et une gestion jugée « efficace ».
Lire aussi:Togo : Une instance onusienne demande la libération de Honoré Sitsopé SOKPOR dit Affectio
Restez à jour en vous abonnant à notre canal Telegram.
Rejoignez nous sur notre chaine WhatsApp
Mais à la lecture attentive du rapport, un tout autre tableau se dessine. Des chiffres clés, parfois enfouis dans les tableaux ou relégués en fin de section, révèlent une trajectoire plus préoccupante qu’il n’y paraît : endettement élevé, recours massif à la dette à court terme, dépendance croissante au marché intérieur, pression du service de la dette, etc.
Plus encore, le décalage entre les constats techniques dressés dans le corps du document et le ton résolument optimiste de la conclusion soulève des questions sur la cohérence de la communication institutionnelle. Et comme si cela ne suffisait pas, la couverture du rapport affiche une image filigranée, non acquise légalement, pointant une certaine négligence sur la forme.
Ce document, censé incarner la transparence budgétaire de l’État, donne au contraire un sentiment de dissonance entre la rigueur des faits et le récit officiel qui les entoure:
Une dette sous le seuil UEMOA, mais à risque élevé
À la lecture du rapport, un chiffre attire d’emblée l’attention : 69,16 % du PIB. C’est le niveau de la dette publique du Togo au 31 décembre 2024, en légère baisse par rapport à 2023 (70,5 %). Cette performance est immédiatement présentée comme un respect de la norme communautaire de l’UEMOA, qui fixe un plafond à 70 % du PIB.
Lire aussi:Togo : une transformation économique à la peine [EPTE OCDE]
Mais ce soulagement apparent contraste avec une réalité bien plus préoccupante exposée à la page 21 du document : selon l’analyse de viabilité de la dette (AVD), le Togo présente un « risque global de surendettement élevé ». Ce constat, émis par le Comité national de la dette publique (CNDP), vient contredire la tonalité rassurante adoptée dans la conclusion finale du rapport (page 23), qui évoque une trajectoire « soutenable » et « sous contrôle ».


Des prévisions dépassées, un recours plus élevé à l’endettement
Autre point de friction : le taux d’exécution du plan de financement pour l’année 2024, qui atteint 104,4 %. Le gouvernement a donc mobilisé davantage de ressources que prévu, notamment sur le marché intérieur. Cette sur-exécution, bien qu’expliquée par des besoins imprévus liés à des retards de mobilisation externe, soulève la question de la rigueur dans la planification budgétaire.
Dans le même temps, le service de la dette a lui aussi été supérieur aux prévisions (562,5 milliards de FCFA réalisés contre 552,7 milliards prévus), accentuant la pression sur les finances publiques.
Une exposition inquiétante à la dette à court terme
Le rapport indique que 21,83 % de la dette intérieure arrive à échéance dans les 12 mois, un niveau particulièrement élevé dans un contexte de resserrement global des conditions de refinancement. Ce chiffre, mentionné page 21, suggère une vulnérabilité à court terme qui pourrait mettre à mal les équilibres de trésorerie de l’État.
Or, cette information préoccupante est à peine évoquée dans les paragraphes de conclusion, qui insistent davantage sur les projections de retour au seuil de 60 % du PIB d’ici 2026.

Un discours de conclusion en décalage avec les données
La page 23 du rapport synthétise les perspectives de la dette publique togolaise en des termes résolument positifs. On y lit notamment que la politique de gestion de la dette est « efficace » et que « les objectifs sont en passe d’être atteints ».
Cette conclusion tranche avec les multiples alertes du corps du rapport :
- Surendettement jugé élevé ;
- Tension sur le refinancement à court terme ;
- Déficits plus importants que prévu ;
- Charge croissante du service de la dette (14 % des recettes publiques y sont consacrées).
Ce décalage soulève la question de la cohérence entre les diagnostics techniques du rapport et les éléments de langage utilisés pour sa présentation publique.
Une forme soignée, mais une erreur visible
Au-delà du fond, la forme du rapport soulève elle aussi quelques interrogations. En couverture, l’image illustrant le document porte un filigrane visible de la banque d’image iStock, suggérant qu’elle n’a pas été achetée sous licence commerciale. Un détail qui pourrait passer inaperçu, mais qui manque de rigueur pour un document institutionnel d’une telle importance.

Une vigilance toujours de mise
Ce rapport, bien que riche en données, laisse une impression ambivalente. Il révèle des déséquilibres réels dans la gestion de la dette publique, tout en présentant une communication institutionnelle lissée, marquée par une volonté manifeste de rassurer.
La dette publique est un sujet sérieux, engageant la souveraineté financière et l’avenir social du pays. Elle mérite, de la part des autorités comme des citoyens, une lecture attentive, une transparence constante, et une communication alignée avec la réalité.