Le 12 mai 2025, Afrobarometer publiait un sondage affirmant que 54 % des Togolais seraient favorables à l’adhésion de leur pays à l’Alliance des États du Sahel (AES). À peine les chiffres rendus publics, certains commentateurs s’en sont emparés pour y voir une tendance lourde, une adhésion populaire, voire un signal politique fort en faveur d’un glissement diplomatique du Togo.

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Mais à y regarder de plus près, ce chiffre interroge autant qu’il dérange. Car ce sondage n’épouse ni le sentiment national majoritaire ni la réalité politique et sociale du pays.


Un sondage trop bien calibré ?

Réalisé sur un échantillon de 1 200 personnes, ce sondage d’Afrobarometer donnerait donc à croire qu’une majorité de Togolais plébiscite une alliance avec des régimes militaires qui ont tourné le dos à la CEDEAO. Mais dans quelle rue du pays, dans quel quartier populaire, dans quelle école, dans quelle entreprise cette idée a-t-elle été réellement débattue ? Qui en parle ? Le sujet de l’AES, au-delà de quelques sorties diplomatiques bien mises en scène, ne fait pas l’objet d’un débat national, encore moins d’un engouement populaire généralisé.

Peut-on parler de majorité nationale à partir de 1 200 sondés, dans un pays de plus de 8 millions d’habitants, sans exposition médiatique significative sur la question, ni consultation citoyenne sérieuse ?

Le chiffre est balancé avec assurance, relayé par quelques organes de presse et vite récupéré dans les milieux proches du pouvoir. Mais où, dans le quotidien des Togolais, ce débat existe-t-il vraiment ? Qui, en dehors de certains plateaux diplomatiques, parle sérieusement de l’AES, de son fonctionnement, de son traité, de ses implications économiques et sécuritaires ?

La réponse est simple : ce sondage donne l’illusion d’un consensus populaire là où il n’y a que confusion, silence ou indifférence.

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Une AES peu connue, mais déjà préférée ?

L’AES, alliance née du retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO, est encore une entité floue, sans institutions, sans traité clair, sans mécanismes d’intégration économique connus. Elle s’apparente davantage à un bloc de survie politique entre régimes militaires qu’à une alternative structurée à la CEDEAO.

Et pourtant, Afrobarometer affirme que les Togolais y seraient majoritairement favorables ? Le peuple togolais a-t-il été correctement informé des implications d’une telle adhésion ? Quid des conséquences économiques, sécuritaires, diplomatiques ? Rien de cela n’est débattu dans l’espace public. Il est donc prématuré et même hasardeux d’interpréter un tel chiffre comme un mandat populaire.


Ce que ce sondage dissimule

Cette présentation des résultats – 54 % pour l’AES, 36 % pour rester dans la CEDEAO – donne l’illusion d’un basculement d’opinion. Mais en réalité, ce qui domine, c’est la confusion, le flou, et la fatigue citoyenne face aux grandes organisations régionales. CEDEAO, UEMOA, AES… pour la majorité des citoyens, ces acronymes sont éloignés de leurs préoccupations quotidiennes : santé, école, emploi, sécurité, liberté.

Ce sondage, qu’il soit sincère ou commandité, ne capte pas la complexité du moment togolais. Il ne dit rien du malaise social, du désenchantement politique ou du besoin d’un nouveau contrat national. Il joue sur une fausse binarité géopolitique, alors que le vrai débat est ailleurs : dans la gouvernance, la justice sociale, et la souveraineté réelle.


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Le vrai risque : manipuler l’opinion par des chiffres

Présenter ce sondage comme le reflet d’une aspiration populaire, c’est prêter à une opération technique de communication les habits d’un choix démocratique. C’est aussi nourrir une stratégie de glissement progressif du Togo vers un alignement géopolitique non assumé.

Mais le peuple togolais n’a pas encore été consulté. Et ce n’est pas un tableau Excel sur 1 200 réponses qui peut le remplacer.


Avant de parler au nom des Togolais, il serait bon de les écouter vraiment.
Et avant d’agiter les chiffres, de regarder les réalités.

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1 Commentaire

  1. […] Lire aussi:AES et opinion publique : quand Afrobarometer tente une supercherie sur le peuple togolai… […]

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