Lomé, août 2025 – Le Togo traverse une période de fortes turbulences sociopolitiques et économiques. À mesure que les signes d’essoufflement démocratique se multiplient, les tensions explosent dans les rues, les foyers et jusque sur les scènes internationales. De la répression des manifestations aux difficultés économiques, en passant par la crise sécuritaire au nord du pays, le tableau est sombre pour ce petit pays d’Afrique de l’Ouest.
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Répression sanglante : 8 morts, un silence qui dérange
Fin juin 2025, des manifestations pacifiques éclatent à Lomé et dans d’autres villes du pays. En trois jours de protestations (les 26, 27 et 28 juin), huit personnes, dont un mineur, ont été tuées, selon plusieurs sources concordantes. Ces évènements ont été suivis par des dizaines d’arrestations arbitraires, parmi lesquelles une affaire a particulièrement choqué l’opinion : une jeune mère aurait été incarcérée avec son nourrisson de cinq mois.
Malgré l’émoi, les institutions judiciaires, notamment l’Ordre des avocats, sont restées muettes. Aucune prise de position publique n’a été faite à ce jour sur ces violations des droits humains, renforçant l’impression d’un isolement judiciaire dans une crise politique profonde.
Confusion au sommet : deux présidents, un peuple désorienté
Depuis la révision constitutionnelle du 19 avril 2024, le Togo est entré dans une ère politique inédite : celle du « double exécutif ». Si Faure Essozimna Gnassingbé conserve les rênes du pouvoir en tant que Président du Conseil des ministres, Jean-Lucien Savi de Tové a été désigné Président de la République, un poste largement honorifique.
Cette configuration floue sème la confusion sur la scène nationale comme internationale. À la veille des célébrations officielles, une question symbolique se pose : qui représente réellement l’État togolais ?
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Des ministres en difficulté sur la scène internationale
Ce week-end encore, plusieurs membres du gouvernement togolais ont tenté de défendre la situation sur France 24, TV5 Monde et i24News. Résultat : des interventions mal préparées, des éléments de langage répétitifs, et des propos jugés incohérents. Les vidéos de leurs passages sont devenues virales sur les réseaux sociaux, suscitant moqueries, indignation et exaspération chez de nombreux Togolais.
« Ils n’ont pas défendu le pays, ils ont confirmé l’ampleur de la déconnexion du régime », résume un internaute togolais sur X.
Une croissance économique sans impact social
Officiellement, le Togo enregistre une croissance de 4,8 % en 2025 (source : BCEAO). Mais dans les faits, les citoyens peinent à en ressentir les effets. Le SMIG reste fixé à 52 500 FCFA (environ 80 €), alors que le panier de la ménagère explose sous l’effet d’une inflation estimée à 6 %. Le taux de pauvreté dépasse les 45 %, et près de 20 % des jeunes sont au chômage.
De plus en plus, le slogan « Les Togolais ont faim » devient un cri du cœur dans les rues, les marchés, et les cercles de discussion sur les réseaux sociaux. La crise économique a même érodé les classes moyennes, rendant les écarts sociaux plus criants que jamais.
Le nord sous menace djihadiste
Depuis 2021, les régions septentrionales du Togo, notamment dans les préfectures de Kpendjal et Tône, sont confrontées à des incursions armées de groupes djihadistes en provenance du Burkina Faso. Malgré l’état d’urgence prolongé, les attaques se poursuivent. Plusieurs civils et militaires ont été tués, des populations déplacées, et les écoles fermées dans des zones frontalières.
Si les autorités ont renforcé le dispositif militaire, l’absence de réponse humanitaire et de développement intégréinquiète les observateurs. La peur s’installe, l’économie locale est asphyxiée, et l’État peine à restaurer la confiance.
Une nation sous verrouillage numérique et médiatique
La répression ne s’arrête pas aux rues. Les médias étrangers comme France 24 et RFI sont suspendus, les plateformes comme TikTok, Telegram ou X (ex-Twitter) sont restreintes, obligeant les citoyens à utiliser des VPN pour accéder à l’information.
Dans ce contexte, le sentiment d’asphyxie démocratique s’intensifie. Plusieurs voix évoquent un pays verrouillé, où la répression remplace le dialogue, et où la peur devient une stratégie de gouvernance.
Entre faim, peur et fatigue politique
Alors que le reste du monde avance, le Togo semble bloqué dans une logique de contrôle et d’exclusion. Les institutions peinent à jouer leur rôle, la société civile est divisée, et les perspectives d’alternance s’éloignent.
Pour beaucoup, la question n’est plus de savoir qui gouverne, mais comment survivre dans un pays où l’on réprime les voix dissidentes, où l’on meurt pour avoir marché, et où les priorités des dirigeants semblent loin des préoccupations du peuple.