L’annonce du Conseil constitutionnel a donné le ton : sur plus d’une soixantaine de dossiers déposés, cinq candidatures seulement ont été validées pour l’élection présidentielle prévue à l’automne 2025.
Derrière cette simple liste se cache un faisceau d’interrogations sur la vitalité démocratique ivoirienne, la solidité des institutions et l’avenir politique du pays.

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La rigueur des contrôles n’est pas contestable en soi : garantir que chaque candidat respecte la Constitution et les règles de parrainage est essentiel.
Mais quand des figures majeures de l’opposition se voient recalées pour des motifs administratifs, la frontière entre exigence légale et verrouillage politique devient floue.
La question surgit : la Côte d’Ivoire protège-t-elle son processus démocratique ou restreint-elle, volontairement ou non, la pluralité des choix ?

Simone Gbagbo, la dame de fer 

Simone Gbagbo, un parcours marqué par l’engagement

Née le 1er janvier 1949 à Moossou (Grand-Bassam), Simone Gbagbo est historienne de formation et titulaire d’un doctorat de troisième cycle en littérature orale, avec des recherches en linguistique appliquée. Militante dès sa jeunesse, elle s’illustre au sein de la Jeunesse Estudiantine Catholique (JEC) puis, dans les années 1970, au cœur du mouvement syndical sous la présidence de Félix Houphouët-Boigny. Ses actions lui valent plusieurs séjours en prison, dont une incarcération en 1982 lors d’une grève d’enseignants.

Chercheuse à l’Institut d’Histoire, d’Art et d’Archéologie (IHAA), elle participe à la création clandestine du Front Populaire Ivoirien (FPI) au début des années 1980, parti officiellement reconnu en 1990 avec le multipartisme. Élue députée d’Abobo en 1995, elle devient ensuite vice-présidente de l’Assemblée nationale jusqu’en 1999. En 2000, elle accède au rôle de Première dame lorsque Laurent Gbagbo est élu président.

Après la crise post-électorale de 2010-2011, Simone Gbagbo est arrêtée en 2011 puis condamnée en mars 2015 à 20 ans de prison, avant d’être amnistiée en août 2018 par le président Alassane Ouattara.

En 2024, elle officialise sa candidature à la présidentielle sous la bannière du Mouvement des Générations Capables (MGC). En décembre, elle lance cet appel :

« Je voudrais vous faire une offre audacieuse : celle de construire une Côte d’Ivoire totalement transformée, modernisée et prospère, dans une Afrique décomplexée, développée, équipée, incontournable, forte et respectée de tous. »

Jean Louis-Billon, business et politique 

Jean-Louis Billon, un parcours d’homme d’affaires devenu figure politique

Né le 8 décembre 1964 à Bouaké, Jean-Louis Billon grandit dans une famille d’entrepreneurs : son père, Pierre Billon, est le fondateur de la Société immobilière et financière de la côte africaine (SIFCA). Après une enfance en Côte d’Ivoire, il poursuit ses études supérieures en France puis aux États-Unis, avant de rentrer au pays en 1995.

À la mort de son père en 2001, il prend la tête du groupe SIFCA et, la même année, est élu maire de Dabakala. Dès 2002, il préside la Chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire, fonction qu’il occupe pendant dix ans. En 2012, il devient ministre du Commerce, de l’Artisanat et de la Promotion des PME, poste qu’il conserve jusqu’en janvier 2017. Élu en 2013 président du Conseil régional du Hambol, il est suspendu en 2017 après avoir rejoint le PDCI, alors qu’il avait initialement été élu sous la bannière du RDR.

Billon se positionne ensuite au premier plan de la vie politique ivoirienne : il se porte candidat à l’investiture du PDCI pour la présidentielle de 2020, avant de se retirer en faveur d’Henri Konan Bédié. En mars 2021, il est élu député, remportant 47,64 % des voix face au candidat du RDR, puis annonce sa candidature à la présidentielle de 2025.

Bien qu’il échoue à prendre la présidence du PDCI, devancé par Tidjane Thiam, il poursuit son ambition nationale et renonce à sa nationalité française pour respecter les critères de candidature. Le 8 septembre 2025, sa candidature à l’élection présidentielle est validée, cette fois sous la bannière du Congrès Démocratique (CODE).

À l’issue de cette validation, Jean-Louis Billon déclare vouloir « une Côte d’Ivoire réconciliée, forte et prospère » et s’engage « à porter haut vos aspirations, à défendre vos espoirs et à bâtir, avec vous, un avenir digne de notre histoire et de notre jeunesse ».

Ahoua Don-Mello, éviter la politique de la chaise vide

Ahoua Don-Mello, ingénieur et homme politique ivoirien

Né le 23 juin 1958 à Bongouanou, Ahoua Don-Mello est diplômé de l’Institut national polytechnique Félix-Houphouët-Boigny (INPHB) de Yamoussoukro, puis obtient un doctorat d’ingénieur à l’École nationale des ponts et chaussées de Paris à seulement 27 ans.

Il entame une carrière d’enseignant-chercheur, intervenant à l’INPHB, à l’École supérieure interafricaine de l’électricité de Bingerville, à l’Université du Burundi et au Laboratoire du bâtiment et des travaux publics. En 1998, il prend la direction de la technopole de Yamoussoukro, avant de diriger de 2000 à 2011 le Bureau national d’études techniques et de développement (BNETD).

Engagé politiquement très tôt, il milite au Parti socialiste en France et, dès 1983, rejoint le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo. Après une parenthèse en 1997 pour fonder le parti Renaissance, il revient au FPI en 2000. En 2010, il est nommé ministre de l’Équipement et de l’Assainissement dans le dernier gouvernement Gbagbo.

À la chute du régime en 2011, Ahoua Don-Mello s’exile. Il devient en 2014 conseiller du président guinéen Alpha Condé, puis haut représentant des BRICS pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre. De retour en Côte d’Ivoire, il rejoint le Parti des peuples africains–Côte d’Ivoire (PPA-CI) fondé par Laurent Gbagbo.

En 2025, après avoir annoncé sa candidature à l’élection présidentielle d’octobre, il est démis de ses fonctions de vice-président du PPA-CI, poursuivant sa route politique de manière indépendante.

Alassane Ouattara, candidat à sa propre succession 

Alassane Ouattara, figure majeure de la vie politique ivoirienne

Né le 1er janvier 1942 à Dimbokro, Alassane Ouattara est un économiste de formation. Il entame sa carrière internationale au Fonds monétaire international (FMI) avant de rejoindre la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), où il devient vice-gouverneur (1983-1984) puis gouverneur en 1988.

En 1990, il est nommé Premier ministre de Côte d’Ivoire, marquant son entrée officielle en politique. Après le décès du président Félix Houphouët-Boigny en 1993, il est écarté du pouvoir par Henri Konan Bédié et s’exile, une réforme constitutionnelle l’empêchant de se présenter à la présidence en raison de contestations sur sa nationalité.

Ouattara prend la tête du Rassemblement des Républicains (RDR) en 1999. À la faveur des accords de paix de 2005, dans le contexte de la crise ivoirienne, il peut enfin briguer la magistrature suprême. Avec le soutien d’Henri Konan Bédié, il est élu président de la République en 2010 et officiellement investi le 6 mai 2011 sous la bannière du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP).

En juillet 2020, après le décès du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, il annonce sa candidature pour un troisième mandat. Le 29 juillet 2025, invoquant la nécessité de préserver la stabilité face à des défis sécuritaires, économiques et monétaires, il déclare sa candidature pour un quatrième mandat à l’élection présidentielle d’octobre 2025 :

« Les années passées à la tête de notre pays m’ont fait comprendre que le devoir peut parfois transcender la parole donnée de bonne foi », affirme-t-il alors.

Henriette Lagou, le retour

Henriette Lagou, candidate engagée pour la paix et le développement

Née le 22 juin 1959, Henriette Lagou a été ministre de la Famille, de la Femme et de l’Enfant sous la présidence de Laurent Gbagbo. En 2015, elle se présente déjà à l’élection présidentielle comme candidate du Renouveau pour la paix et la concorde (RPC).

Le 9 juin 2025, depuis Villejuif en région parisienne, elle annonce une nouvelle candidature à la présidentielle d’octobre 2025, cette fois sous la bannière du Groupement des Partenaires politiques pour la paix (GP-PAIX). Son programme met l’accent sur la diaspora, l’emploi et le logement, trois leviers qu’elle considère essentiels au développement national.

Lors du dépôt officiel de sa candidature à la CEI, le 19 août 2025, elle déclare :

« Nous sommes dans une vision, une vision de concorde pour la Côte d’Ivoire. Nous sommes dans un but de développement pour la Côte d’Ivoire. Nous sommes, par rapport aux autres pays, un pays en développement. Nous avons besoin d’une paix pour pouvoir développer notre pays. »

Cette nouvelle campagne confirme sa volonté de placer la paix et la cohésion sociale au cœur de la politique ivoirienne.

Cinq candidatures validées, des opposants écartés, un électorat observateur : la présidentielle de 2025 sera bien plus qu’un vote.
Elle sera le révélateur de la capacité du pays à conjuguer exigence démocratique et pluralisme réel.
Pour que ce rendez-vous renforce la République plutôt qu’il ne la fragilise, il faudra une participation massive, des institutions irréprochables et une classe politique prête à jouer le jeu démocratique jusqu’au bout.

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